"...don't be stuck in the every day reality, allow yourself to dream, have faith in your wildest dreams." [AaRON]

"Ne restez pas scotchés à la réalité quotidenne. Permettez-vous de rêver. Croyez en vos rêves les plus fous..." [AaRON]

mardi 4 décembre 2007

VINCENT HUMBERT : "JE VEUX MOURIR ! "

En souvenir de Vincent Humbert


Nous sommes en 2022. Comme nous l'écrivions plus bas, la loi Claeys-Leronetti de 2005, réécrite en 2016, n'a, hélas, pas apporté d'évolution sur le droit de mourir dans la dignité en France. Le 1er quinquennat d'Emmanuel Macron n'a pas fait mieux. On espère toujours que la France finira par s'aligner sur d'autres pays européens, comme la Belgique, la Suisse et les Pays-Bas, qui autorisent l'euthanasie active lorsqu'elle est souhaitée par le malade. Actuellement, seuls les malades encore en état de voyager et qui en ont les moyens peuvent aller mourir dans ces pays.    

J'ai vu hier soir sur TF1 le téléfilm "Marie Humbert, l'amour d'une mère" réalisé par Marc Angelo (avec Florence Pernel) sur le combat mené par la mère de Vincent Humbert pour obtenir pour son fils le droit de décider de sa mort qui, dans l'état actuel des choses, n'est pas reconnu en France alors qu'il l'est dans plusieurs pays européens.

Je ne voulais pas en parler avant d'avoir vu le film, car le sujet me paraît trop grave pour être traité à la légère et il nous interpelle ou risque de nous interpeller tous à un moment ou à un autre de notre vie ou de celle de nos proches.

J'ai assisté au décès de mon père en Juin 2006 au service de réanimation de l'hôpital d'Aubenas et nous avons été à ses côtés jusqu'à son dernier souffle. Dans notre cas, heureusement, les choses se sont "bien" passées, autant qu'elles puissent "bien se passer" dans ce genre de circonstances.

Je suis bien conscient que le cas de mon père, décédé à 86 ans, après une vie bien remplie, n'est en aucune manière comparable à celui de ce jeune homme de 19 ans, rendu totalement paralysé, muet et aveugle, par un accident de la route, en pleine jeunesse et en pleine force !

Rappelons les faits : le 24 septembre 2000, Vincent Humbert quitte la caserne de pompiers où il travaille pour rejoindre sa fiancée. Il conduit calmement, sur une petite route qu'il connaît bien, les conditions climatiques sont excellentes. Malheureusement, le dernier virage avant d’arriver chez lui lui sera fatal... Il ne peut éviter le poids lourd qui déboule devant lui sur cette route étroite et sa voiture va s’encastrer sous le camion... Son frère aîné, pompier lui aussi, fait partie des sauveteurs appelés sur place. Il sait au premier coup d'oeil que son frère est perdu et se reprochera de l'avoir secouru. Aux urgences de l’hôpital, Vincent subit une quinzaine d’interventions mais il est si atteint que les médecins ne laissent guère d’espoir à ses proches. Du jour au lendemain, la vie de sa mère Marie bascule. Elle quitte son appartement et son travail pour accompagner son fils dans un centre spécialisé dans le Nord de la France. Elle croit en lui, en sa force physique et morale, en sa joie de vivre... et est persuadée que Vincent va s'en sortir, que c’est juste un problème de temps et d’amour.

Vincent reste dans le coma 9 mois puis, un jour, le “miracle” se produit : il bouge légèrement son pouce droit. Marie est folle d'espoir. Elle se bat pour tenter de communiquer avec ce fils complètement paralysé mais qui entend et comprend. Pendant neuf autres mois, elle mettra au point une technique de communication unique, basée sur un système d'alphabet simplifié, qui lui permettra de savoir ce que pense et veut Vincent. Malheureusement, celui-ci, qui entend tout et a conservé toute son intelligence, sa lucidité et même son humour, souffre physiquement et surtout moralement d'une façon indicible et il fait son choix : un jour, stupéfaite, alors qu'elle croit toujours que l'état de son fils va s'améliorer, Marie décrypte un terrible message en lequel elle ne veut pas croire : "Je veux mourir". Les médecins et tous ses proches pensent que Vincent traverse une phase de dépression bien compréhensible et qu'il changera d'avis mais, au fil des mois, sa détermination de mourir ne fait que grandir.

Devant le refus des médecins de l'y aider, il dicte, grâce au système mis au point avec sa mère, une lettre au Président de la République. En retour, la Présidence lui envoie une lettre banale, déshumanisée, qui montre bien qu'elle n'a même pas été lue par Jacques Chirac. Vincent rentre dans une rage folle et pendant plusieurs jours refuse de communiquer.

Marie obtient une entrevue avec le président qui finit par la recevoir personnellement, sous la pression médiatique mais le "soutien" dont il l'assure ne va pas au-delà de quelques bonnes paroles. L’affaire se médiatise et échappe à Vincent et à sa mère, un débat national sur l’euthanasie s’engage dont Vincent devient, malgré lui, un symbole. Désespéré, Vincent se tourne alors vers sa mère et lui dicte :« Si tu m’aimais, tu me tuerais ! » Par amour pour son fils, Marie,qui lui a donné la vie, va lui offrir sa mort.
[Synthèse en grande partie empruntée à l'article de Philippe Tesseron : http://www.temoignages.re/article.php3?id_article=26423]

J'ai trouvé que ce film était une très belle réalisation, les acteurs sont justes, émouvants, la réalisation évite intelligemment le pathos et les prises de position.

Sans entrer dans la controverse, je voudrais simplement ici citer la lettre dictée par Vincent et adressée au président de la République [c'était alors Jacques Chirac] où il lui "demande le droit de mourir".

"Monsieur Chirac,

"Tous mes respects, Monsieur le président.

"Je m'appelle Vincent Humbert, j'ai 21 ans, j'ai eu un accident de circulation le 24 septembre 2000. Je suis resté 9 mois dans le coma. Je suis actuellement à l'hôpital Hélio-Marin à Berck, dans le Pas-de-Calais. Tous mes sens vitaux ont été touchés, à part l'ouïe et l'intelligence, ce qui me permet d'avoir un peu de confort. Je bouge très légèrement la main droite en faisant une pression avec le pouce à chaque bonne lettre de l'alphabet. Ces lettres constituent des mots et ces mots forment des phrases.
"C'est ma seule méthode de communication. J'ai actuellement une animatrice à mes côtés, qui m'épelle l'alphabet en séparant voyelles et consonnes. C'est de cette façon que j'ai décidé de vous écrire. Les médecins ont décidé de m'envoyer dans une maison d'accueil spécialisée. Vous avez le droit de grâce et moi, je vous demande le droit de mourir. Je voudrais faire ceci évidemment pour moi-même mais surtout pour ma mère; elle qui a tout quitté de son ancienne vie pour rester à mes côtés, ici à Berck, en travaillant le matin et le soir après m'avoir rendu visite, sept jours sur sept, sans aucun jour de repos. Tout ceci pour pouvoir payer le loyer de son misérable studio. Pour le moment, elle est encore jeune. Mais dans quelques années, elle ne pourra plus encaisser une telle cadence de travail, c'est à dire qu'elle ne pourra plus payer son loyer et sera donc obligée de repartir dans son appartement de Normandie. Mais impossible d'imaginer rester sans sa présence à mes côtés et je pense que tout patient ayant parfaitement conscience est responsable de ses actes et a le droit de vouloir continuer à vivre ou à mourir. Je voudrais que vous sachiez que vous êtes ma dernière chance. Sachez également que j'étais un concitoyen sans histoires, sans casier judiciaire, sportif, sapeur-pompier bénévole. Je ne mérite pas un scénario aussi atroce et j'espère que vous lirez cette lettre qui vous est spécialement adressée. Vous direz toutes mes salutations distinguées à votre épouse. Je trouve que toutes les actions comme les pièces jaunes sont de bonnes oeuvres. Quant à vous, j'espère que votre quinqennat se passe comme vous le souhaitez malgré tous les attentats terroristes. Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments les plus distingués.


[Réf. http://www.admd.net/]

Marie Humbert et les médecins du centre ont été inculpés, persécutés par une justice inhumaine avant d'être innocentés mais, malgré quelques aménagements mineurs, la loi qui permettrait aux français qui le souhaitent de mourir dans la dignité n'a pas profondément évolué. Marie Humbert juge que la loi Léonetti "dite Vincent Humbert", qui a été adoptée en 2006 est une loi hypocrite qui ne règlera, hélas, rien.  

Dans le cours du film, à l'occasion de l'anniversair de Vincent, qui adorait cette chanson, l'un des soignants interprète "Le paradis blanc" de Michel Berger, en s'accompagnant à la guitare. J'ai déjà parlé de cette chanson et de ce qu'elle évoquait pour moi (Voir mon post du 18/08/2007 et le clip qui y est adjoint). Dans le film, le jeune soignant, bouleversé, ne peut aller jusqu'au bout et quitte la chambre en larmes. J'ai trouvé l'extrait vidéo de ce moment très émouvant sur Youtube et je l'ai mis en regard de ce post. Voir la 2ème vidéo en partant du haut.

2 commentaires:

  1. J'espère ne jamais avoir à être confronté dans ma famille à un cas semblable. J'enrage qu'en France, on ne puisse pas disposer de son destin.

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  2. Vous avez raison et la récente loi Leonetti n'arrange rien, hélas.

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