"...don't be stuck in the every day reality, allow yourself to dream, have faith in your wildest dreams." [AaRON]

"Ne restez pas scotchés à la réalité quotidenne. Permettez-vous de rêver. Croyez en vos rêves les plus fous..." [AaRON]

jeudi 2 janvier 2014

LEONARD COHEN (suite)



Malgré les problèmes techniques qui m'ont empêché de mettre vos commentaires en ligne, vous avez été très nombreux à réagir à mon post sur Leonard Cohen et sa chanson "Dance me to the end of love" que plusieurs me disent avoir découverte, comme je l'ai fait moi-même, à l'occasion du film de Valérie Lemercier.
Dans ma bibliothèque, j'ai plusieurs livres sur Leonard Cohen, dont un de Jacques Vassal, qui l'a interviewé plusieurs fois. Je l'avais déjà lu mais, du coup, je l'ai relu pour essayer de trouver quelques éclaicissements sur les questions que m'a posées cette chanson. Dire que j'ai trouvé des réponses serait beaucoup. Mais ce que j'y ai trouvé éclaire un peu la pensée complexe de l'auteur. Il en ressort que celle-ci a beaucoup été marquée par sa culture juive et que nombre de ses textes sont imprégnés de référenceS à la Bible dont il cite souvent des phrases dans ses textes.

Par exemple, dans son livre Jacques Vassal consacre un long paragraphe à la célèbre chanson de Cohen "Story of Isaac". Rappelons, pour ceux qui ne la connaîtraient pas, que le texte de cette chanson, faisant référence au sacrifice d'Isaac par Abraham est, comme tous les textes de Cohen, totalement hermétique à quelqu'un qui n'aurait pas à l'esprit qu'à travers le sacrifice d'Isaac, Cohen dénonce la guerre (et particulièrement, lorsqu'il l'a écrit, la guerre du Vietnam), en assimilant celui-ci au meurtre de leurs enfants par les pères qui n'hésitent pas à sacrifier leurs fils sous prétexte de défendre leurs biens.



Song of Isaac (Chanson d'Isaac)

The door it opened slowly,
La porte s’ouvrit lentement
My father he came in,
Mon père entra dans la chambre
I was nine years old.
Je n’avais que neuf ans
And he stood so tall above me,
Il se tenait, immense, au-dessus de moi
His blue eyes they were shining
Ses yeux bleus étincelaient
And his voice was very cold.
Et se voix était très froide.
He said, "I've had a vision
Il dit : « J’ai eu une vision
And you know I'm strong and holy,
Et tu sais combien je suis fort et pieux,
I must do what I've been told."
Je dois faire ce qu’on m’a dit de faire. »
So he started up the mountain,
Alors nous avons commencé à escalader la montagne
I was running, he was walking,
Moi, je courais, lui il marchait,
And his axe was made of gold.
Et sa hache était d’or.

Well, the trees they got much smaller,
Au bout d’un moment, les arbres devinrent minuscules,
The lake a lady's mirror,
Le lac, un miroir de poche,
We stopped to drink some wine.
Nous nous sommes arrêtés pour boire un peu de vin.
Then he threw the bottle over.
Puis, il jeta la bouteille.
Broke a minute later
Qui se Brisa l’instant d’après
And he put his hand on mine.
Et il mit sa main sur la mienne
Thought I saw an eagle
Je pense que c’est un aigle que je vis
But it might have been a vulture,
A moins que ce ne soit un vautour
I never could decide.
Je ne pourrai jamais savoir.
Then my father built an altar,
Puis mon père a bâti un autel,
He looked once behind his shoulder,
Il regarda une fois par-dessus son épaule,
He knew I would not hide.
Il savait que je ne me cacherai pas.

You who build these altars now
Vous qui bâtissez des autels maintenant
To sacrifice these children,
Pour sacrifier ces enfants,
You must not do it anymore.
Vous ne devrez plus jamais le faire.
A scheme is not a vision
Un dessein n’est pas une vision
And you never have been tempted
Et vous n’avez jamais été tenté
By a demon or a god.
Par un dieu ou un démon.
You who stand above them now,
Vous qui vous tenez au-dessus d’eux maintenant,
Your hatchets blunt and bloody,
Vos haches émoussées et sanglantes,
You were not there before,
Vous n’étiez pas là hier,
When I lay upon a mountain
Quand je gisais sur la montagne
And my father's hand was trembling
Et la main de mon père tremblait
With the beauty of the world.
De la beauté du monde.

And if you call me brother now,
Et si vous m’appelez frère maintenant,
Forgive me if I inquire,
Excusez-moi si je vous demande,
"Just according to whose plan?"
“En vertu de quel dessein ?”
When it all comes down to dust
Quand tout sera devenu poussière
I will kill you if I must,
Je vous tuerais si je devais,
I will help you if I can.
Je vous sauverais si je pouvais.
When it all comes down to dust
Quand tout sera devenu poussière
I will help you if I must,
Je vous sauveraisi si je devais,
I will kill you if I can.
Je vous tuerais si je pouvais.

And mercy on our uniform,
Et pitié pour notre uniforme,
Man of peace or man of war,
Homme de paix ou homme de guerre,
The peacock spreads his fan.

Le paon continuera à déployer sa roue.

{Traduction par R. Comte] 

Les exemples de ces emprunts à la Bible sont si nombreux dans l'oeuvre de Cohen que je ne peux les citer tous.

Par ailleurs, bien que Leonard Cohen n'ait pas lui-même souffert (ou sa famille) des camps d'extermination nazis, beaucoup de ses textes sont hantés par les images de cette horreur. Le titre d'un de ses recueils de poèmes "Flowers for Hitler" est directement inspiré de cette histoire douloureuse. Certains, sans l'avoir lu, ont cru y voir une apologie du nazisme, ce qui, concernant Cohen, est bien entendu totalement absurde.

D'autres images le hantent et se retrouvent dans ses textes : celles de la guerre d'Espagne, de la Résistance française, d'autres guerres où se sont consumés des êtres de pureté (Cf. la très belle chanson consacrée à Jeanne d'Arc).



Joan of Arc (Jeanne d'Arc)

Now the flames they follow Joan of Arc
Maintenant les flammes (elles) suivent Jeanne d’Arc
As she came riding through the dark.
Alors qu’elle chevauche à travers la nuit.
No moon to keep her armour bright,
Pas de lune pour faire étinceler son armure,
No man to get her through this very smoky night.
Pas d'homme pour l'aider à traverser le brouillard de cette nuit
She said "I'm tired of the war,
Elle dit " je suis fatiguée de la guerre,
I want the kind of work I had before,
Je veux faire ce que je faisais avant,
A wedding dress or something white
Une robe de mariée ou quelque chose de blanc
To wear upon my swollen appetite. "
Pour poser sur mon appétit dévorant.

"Well, I'm glad to hear you talk this way
" Eh bien, ça me fait plaisir de t'entendre parler ainsi,
You know I watched you riding everyday
Tu sais que je t ‘ai regardée chevaucher tous les jours,
And something inside me yearns to win
Et quelque chose en moi brûle de conquérir
Such a cold and lonesome heroin. "
Une héroïne si froide et si solitaire".
"And who are you» she sternly spoke
" Et qui es-tu ", dit-elle sèchement
"To the one beneath the smoke. "
A la voix derrière la fumée
"Why, I'm fire,» he replied,
" Eh bien, je suis le feu ! " répliqua-t-il,
"And I like your solitude, I like your pride. "
" Et j'aime ta solitude, j'aime ta fierté ".

"And if fire makes your body cold,
" Si le feu transforme ton corps en glace,
I' m gonna give you mine to hold. "
Je te donnerai le mien à étreindre ".
Saying this, she climbed inside
A ces mots elle grimpa sur le bûcher
To be his one, his only bride.
Pour être sa seule et son unique fiancée.
And deep inside his fiery heart
Et au plus profond de son cœur embrasé
He took the dust of Joan of Arc
Il transforma Jeanne d' Arc en poussière
And high above the wedding guests
Et au-dessus des invités
He threw the ashes of her wedding dress.
Il répandit les cendres de sa robe de mariée.

And it was deep inside his fiery heart
C'était au plus profond de son cœur embrasé
He took the dust of Joan of Arc
Qu'il prit les cendres de Jeanne d' Arc.
And then she clearly understood
Et c'est alors qu'elle comprit clairement
If he was fire, oh then she must be wood…
Que s’il était le feu, oh elle, elle devait être le bois.
I saw her wince, I saw her cry
Je l'ai vue grimacer, je l'ai vue pleurer,
I saw his triumph in the dark.
Je l’ai vue triompher de la nuit.
Myself, I long for love and light,
Moi-même, j'aspire depuis longtemps à l'amour et à la lumière,
But must it come so cruel, though so bright ?

Mais doivent-ils pour autant être si cruels, être si brillants ?

[Traduction par R. Comte]

Dans "Les perdants magnifiques", Leonard Cohen écrit : "Comment puis-je commencer quelque chose avec tout cet hier qui est en moi ?" Combien je comprends cette phrase et combien je m'y retrouve !

[Jacques Vassal. Leonard Cohen. Paris, Albin Michel/Rock&Folk, 1974]

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